Toute entreprise fait quotidiennement appel à des prestataires extérieurs : SSII pour sa maintenance informatique, consultants pour sa stratégie commerciale, auditeurs pour l’analyse de ses documents comptables, société de sécurité et de gardiennage, entreprise de nettoyage des locaux, prestataire de restauration collective pour la cantine de l’entreprise…
Mais quelle entreprise se doute qu’elle peut du jour au lendemain se voir attribuer la qualité d’employeur pour l’un des salariés de ses prestataires ?
Quel Président de société ou chef de service imagine qu’il encourt le risque de poursuites pénales pour travail dissimulé ?
Illustration par l’exemple
Imaginons un cas très pratique : une entreprise fait appel à une SSII pour refondre son système informatique.
Les caractéristiques du contrat passé sont les suivantes : la mission est de faire évoluer le système informatique selon les indications du directeur informatique de la société donneuse d’ordre, aucune limite de temps n’est prévue pour la fin du chantier, la facturation est prévue à la journée.
Les salariés de la SSI vont venir travailler dans les locaux de l’entreprise donneuse d’ordre pour une durée illimitée, selon les horaires collectifs de l’entreprise, ils vont se voir attribuer une adresse e-mail semblable à celle des autres salariés, ils vont recevoir les directives directement de leur client et vont même parfois encadrer des salariés du donneur d’ordre pour leur apporter leur compétence technique.
A priori, aucune originalité dans cette description de faits rencontrés chaque jour.
Néanmoins, il est courant qu’en cas de faillite de son employeur ou de licenciement, le salarié de la SSII fasse citer devant le Conseil de Prud’hommes la société donneuse d’ordre pour demander que soit constatée l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée entre eux et le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il n’est pas à exclure non plus que dans certains cas, l’Inspecteur du Travail estime remplies les conditions d’un travail dissimulé. Le prêt de main d’œuvre à but lucratif et le travail dissimulé sont en effet interdits et peuvent faire l’objet de sanctions pénales (article L. 125-3 et L. 152-3 du Code du Travail).
Les mesures à prendre avant toute signature de contrat de prestations de services
Il est un article méconnu du Code du Travail qui peut avoir de fâcheuses conséquences pour toute entreprise, l’article L. 324-14 :
» Toute personne qui ne s’est pas assurée, lors de la conclusion d’un contrat et tous les six mois, jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, dont l’objet porte sur une obligation d’un montant au moins égal à 3 000 euros en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, que son cocontractant s’acquitte de ses obligations en matière de déclaration du personnel sera tenue solidairement avec celui qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé » des divers amendes, impôts, taxes et condamnations prononcés à son encontre.
Il est indispensable que l’entreprise donneuse d’ordre exige de son cocontractant les documents justifiant de la régularité de sa situation fiscale et sociale (la liste des documents est visée à l’article R. 324-7 du Code du Travail).
Ces documents doivent être fournis avant la conclusion du contrat.
Les éléments à prendre en considération pour rédiger le contrat de prestations de services
Les juges du fond sont souverains pour vérifier que les contrats de sous-traitance ou de prestation de services ne sont pas conclus pour détourner la réglementation concernant les contrats de travail et sont amenés à examiner un faisceau d’éléments :
– les tâches à accomplir doivent être définies avec précisions dans le contrat,
– le personnel détaché dans l’entreprise utilisatrice doit conserver, pendant l’exécution de la mission, une totale autonomie par rapport aux salariés de l’utilisateur ; cette autonomie se concrétise notamment aux niveaux des conditions de travail, des horaires et de l’encadrement, qui doit être assuré en principe par un salarié de l’entreprise prestataire de service, doté des pouvoirs correspondants,
– la rémunération prévue au contrat doit être fixée forfaitairement, en fonction du résultat et non du nombre d’heures de travail effectuées,
– l’activité sous-traitée implique une spécialisation ou un savoir-faire que ne possèdent pas les salariés de l’utilisateur,
– le contrat doit comporter des clauses contraignantes pour le sous-traitant : obligation de résultat, obligation de délais…
Il faut également prêter attention à deux éléments importants :
– la durée des relations contractuelles : le contrat de prestation de services ne doit pas être reconduit sur plusieurs années sans échéance fixe,
– la dépendance économique du prestataire vis-à-vis du donneur d’ordre : il faut éviter les prestataires sous statut de travailleur indépendant ou exerçant au sein d’une EURL et qui n’ont que le donneur d’ordre pour seul client.
Les juges du fond se baseront sur un faisceau d’indices pour forger leur conviction.
Le contrat de prestation de services est prévu par le Code Civil et l’objet de cette tribune n’est pas de remettre en cause son existence, mais plutôt d’attirer l’attention des employeurs sur les mesures à adopter pour éviter tout risque de requalification en contrat de travail.