Statut d’entreprise : le bon choix pour les bons enjeux (interview)

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Entreprise individuelle

EURL, SARL, SNC, SA, SAS, entreprise individuelle… Pour le créateur néophyte, il n’est pas toujours facile de se repérer dans les avantages et les inconvénients des différents statuts d’entreprises. Surtout que chacun emporte des conséquences précises quant aux statuts fiscaux et sociaux, aux modalités de développement, aux responsabilités encourues. Autant de facteurs qu’il convient de bien cerner avant de se décider.
Constance des Courtis, co-auteur du guide « Choisir le statut de son entreprise », livre les conseils essentiels pour ne pas se tromper.

Entreprise-et-droit : Déterminer le statut de son entreprise n’est apparemment pas neutre. Globalement, quels sont les enjeux ?

CdC : Ils sont très importants. Le statut d’une entreprise joue sur le régime social et le régime fiscal mais également sur la responsabilité financière de l’entrepreneur. Les implications en termes de coûts sont aussi différentes.

E&D : Vous avez écrit un guide permettant aux entrepreneurs de choisir le statut de leur entreprise. La seconde édition vient de paraître, il y a donc une réelle demande…

CdC : Effectivement. Nous avons écrit ce guide car opter pour un type précis d’entreprise n’est pas un choix facile, surtout quand on n’a pas spécifiquement de connaissances juridiques. Pas évident de s’y retrouver dans les multiples régimes fiscaux, sociaux, les conséquences en termes de protection sociale, d’assurance chômage en cas de difficulté, etc.
Les gens ont tendance à se focaliser sur un point, le droit social par exemple, et à négliger les autres aspects (fiscalité, coûts, formalités de création, notamment). Notre guide donne une compréhension d’ensemble. Or, lorsque l’on a une vision globale, la forme de société la plus adaptée s’impose souvent d’elle-même.

E&D : Quels sont les différents types d’entreprises entre lesquels le créateur d’entreprise va avoir le choix ?

CdC : Il y a une distinction fondamentale à faire entre l’entreprise individuelle et les sociétés commerciales : l’entreprise individuelle n’est pas une société, elle ne comporte donc pas de statuts ni de capital social. Cela signifie que l’entrepreneur qui choisit l’entreprise individuelle se voit tout simplement appliquer le régime juridique des commerçants, défini par le Code de commerce. S’il opte pour une société commerciale, il faut prendre en compte le statut des associés et du dirigeant.

E&D : La responsabilité encourue est souvent un critère essentiel. Le choix du statut de l’entreprise permet-il de la limiter efficacement ?

CdC : Oui et non, il n’y a pas de création d’entreprise sans risque. En théorie, la personnalité morale des sociétés commerciales fait « écran » : les associés, comme les gérants, sont protégés. En pratique, si la société connaît des difficultés, le gérant peut engager sa responsabilité, notamment en cas de faute de gestion. Ce sont cependant des hypothèses particulières, donc rares.
Au contraire, dans l’entreprise individuelle, l’entrepreneur est, en principe, responsable des dettes sur son patrimoine propre. Là aussi il faut nuancer : il est possible de protéger sa résidence principale par une déclaration d’insaisissabilité établie par un notaire. Avec la loi LME , on peut aussi protéger d’autres biens fonciers non affectés à l’usage professionnel.

E&D : La forme sociétale diminue donc le risque. En contrepartie, a-t-elle des inconvénients ?

CdC : Oui. Le premier inconvénient c’est le coût lors de la création et les différentes formalités que la société peut avoir à accomplir en cas de cession de parts sociales ou d’augmentation de capital par exemple. Un autre inconvénient apparaît quand on s’associe. En effet, les associés qui investissent veulent souvent toucher des dividendes et prendre des décisions dans ce sens. On n’est pas seul maître à bord.
Je pense également au capital social qui ne doit pas être sous-estimé au départ, au risque d’engager la responsabilité du gérant.

E&D : Dans quelle mesure un capital social trop faible peut-il être reproché au gérant ?

CdC : Si la société dépose le bilan, les juges du Tribunal de commerce vont rechercher si le dirigeant a une quelconque responsabilité. Il est donc opportun pour le créateur de faire établir un business plan par un comptable par exemple. Des structures adaptées existent dans les chambres de commerce et d’industrie pour aider les créateurs.
On parle de la « SARL à 1 € », comme si le capital social ne servait à rien ! C’est bien sûr faux parce que le montant du capital social, qui est déterminé librement dans les statuts, ne doit pas être trop faible. C’est la même chose pour la SAS : à partir du 1er janvier 2009 il n’y aura plus de capital minimum. Mais, il ne faut pas tomber dans le piège et croire que cela permet de se soustraire à toutes les obligations.

E&D : Examinons les différentes formes en détail. À qui s’adresse l’entreprise individuelle ?

CdC : Traditionnellement, c’est plutôt pour quelqu’un qui se lance. Par la suite, si l’activité se développe et que la personne veut faire rentrer des capitaux, une transformation en société commerciale pourra être envisagée.
Par rapport à une société, l’avantage de l’entreprise individuelle c’est sa simplicité et son faible coût à la création. En revanche, quand on crée une société, on doit rédiger des statuts, les enregistrer au centre des impôts, faire une insertion dans un journal d’annonces légales, puis respecter les formalités tout au long de l’année : par exemple, réunion des associés pour l’approbation annuelle des comptes puis dépôt des comptes au greffe du tribunal de commerce, ce qui n’existe pas dans l’entreprise individuelle. Au départ, si on ne souhaite pas s’associer, on peut choisir l’entreprise individuelle qui offre un régime fiscal intéressant (le régime de la micro-entreprise).

E&D : Qu’est ce qu’une micro-entreprise ?

CdC : C’est un régime fiscal uniquement applicable à l’entreprise individuelle soumis au respect d’un montant total de chiffre d’affaires annuel et qui permet une franchise de TVA.
La loi LME crée, par ailleurs, un nouveau régime, celui de l’auto-entrepreneur, qui permet une dispense d’immatriculation, des obligations comptables réduites et un régime simplifié de prélèvements fiscal et social. Ce nouveau statut s’adresse à un public très large, tel un étudiant ou un retraité qui veut créer une petite entreprise.

E&D : La SARL (société à responsabilité limitée) et l’EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) sont des types de sociétés très fréquemment choisis. Quelles sont les raisons de ce succès ?

CdC : C’est vrai que la SARL et l’EURL sont les formes les plus populaires. Elles concernent les créateurs qui veulent s’associer dès le départ en protégeant leur patrimoine. C’est la formule la plus classique qui va permettre d’avoir des investissements extérieurs sans de trop lourdes formalités au moment de la création. À l’opposé, d’autres statuts, comme la SA, se rencontrent plus rarement.

E&D : Dans quels cas conseillez-vous néanmoins de choisir la SA (société anonyme)?

CdC : C’est une forme intéressante quand il y a un capital social important (puisqu’il faut disposer d’un capital minimum de 37000 euros pour une SA non cotée) et beaucoup d’associés. Mais, c’est une structure assez lourde à gérer. Non seulement, il faut trouver au minimum 7 personnes qui veulent bien s’associer, mais encore la vie de la société comporte des contraintes. En effet, la direction de la SA est confiée soit à un conseil d’administration et au directeur général soit à un directoire et conseil de surveillance et est contrôlée par un ou plusieurs commissaires aux comptes.

E&D : Et qu’en est-il de la SNC (société en nom collectif) qui est encore moins courante ?

CdC : C’est une société qui est peu choisie. Il faut savoir que tous les associés ont le statut de commerçant et que la gestion est relativement compliquée. Ce qui fait la principale différence avec la SARL ou la SA, c’est la responsabilité des associés de la SNC qui peut être engagée. En effet, dans une SARL ou une SAS, les associés ne voient jamais leur responsabilité engagée, sauf s’ils se comportent comme des gérants de fait. La SNC, c’est une « association » avec partage réel des risques.

E&D : Venons-en maintenant à la SAS (société par actions simplifiée), qui est « à la mode » depuis quelque temps. Est-ce la forme de société de l’avenir ?

CdC : Jusqu’à présent, la SAS était réservée à des projets déjà importants. Mais, avec la loi LME, elle devrait tendre à se développer. On a en fait l’impression que le législateur a voulu sa généralisation. En effet, son régime vient d’être modifié : à partir du 1er janvier 2009, il n’y aura plus à la création de la SAS de capital minimum exigé ni d’obligation de nommer un commissaire aux comptes. Or, le montant minimum de 37 000 euros de capital social et la nomination obligatoire d’un commissariat aux comptes rebutait beaucoup de gens. Du coup, les commentateurs pronostiquent que la SAS sera désormais une concurrente directe de la SARL. Mais la réforme ne s’appliquant pas encore, il est trop tôt pour se prononcer.

E&D : Peut-on dire en définitive qu’il y a de « bons » et de « mauvais » statuts de société ?

CdC : Tous ont des avantages et des inconvénients. Par exemple, la SNC comporte davantage de risques pour ses associés, mais permet que chacun y soit vraiment engagé, au-delà du montant des apports. Par ailleurs, rien n’est définitif. Il est toujours possible de changer de forme juridique, même si ce sera parfois coûteux. Vous pouvez passer de l’entreprise individuelle à l’EURL, de la SARL à la SA, etc. Il n’y a donc ni bon ni mauvais statut. À chaque besoin correspond un type de société.

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