L’employeur a l’obligation de mettre en œuvre l’organisation des élections professionnelles (délégués du personnel, membres du Comité d’entreprise) lorsque les seuils d’effectif requis par les dispositions légales sont atteints (articles L. 2312-1 et L. 2322-1 du Code du travail). Le non respect de cette obligation constitue un délit d’entrave pénalement sanctionné et peut engager la responsabilité de l’employeur dans le cadre d’une action civile, d’un syndicat par exemple. En cas d’absence de représentation du personnel et afin d’éviter que sa responsabilité ne soit engagée, l’employeur doit démontrer que les élections professionnelles ont bien été effectuées et, lorsque celles-ci n’ont pas abouti, qu’un procès-verbal de carence a bien été établi à ce titre.
Aux termes d’un arrêt en date du 17 mai 2011 (Cass. Soc., 17 mai 2011, pourvoi n°10-12852), la Cour de cassation vient d’élargir les cas de sanctions à l’encontre de l’employeur défaillant dans le cadre de l’organisation des élections professionnelles. En l’espèce, un salarié licencié pour faute grave, a contesté ledit licenciement auprès de la juridiction prud’homale.
A cette occasion, le salarié a, parallèlement, sollicité la condamnation de l’employeur à lui verser des dommages et intérêts au titre du préjudice causé par l’absence de représentation du personnel. Les juges du fond avaient débouté le salarié, estimant que ce dernier ne pouvait introduire de telles demandes (contrairement aux syndicats notamment). La Cour de cassation a censuré la décision des juges du fond et, sur le fondement d’un arsenal de textes, fondamentaux pour la plupart (notamment, le Préambule de la Constitution, la Charte européenne des droits fondamentaux de l’Union européenne), a accueilli les demandes du salarié au motif suivant : « il résulte de l’application combinée de ces textes que l’employeur qui, bien qu’il soit légalement tenu, n’accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel, sans qu’un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts ».
Alors que l’octroi au salarié d’une telle indemnité était prévu dans des situations précises et limitées par le Code du travail, la Haute juridiction a exprimé sans ambiguïté le droit du salarié de solliciter le paiement de cette indemnité spécifique dans des situations plus courantes. Le salarié pourra donc solliciter le paiement de cette indemnité spécifique à l’occasion d’un contentieux avec l’employeur quelque soit sa nature (contestation d’un licenciement notamment) et ce, sans avoir à fournir d’autres éléments de preuve que ses propres affirmations. L’employeur ne pourra ainsi y faire échec que par la production du procès-verbal de carence.
Par cette solution particulièrement sévère, la Haute juridiction entend inciter les employeurs, réticents à la mise en place d’une représentation du personnel, à y procéder. S’il y est tenu, l’employeur doit donc impérativement effectuer les diligences légales, même si les organisations professionnelles n’aboutissent qu’à l’établissement d’un procès-verbal de carence, seul instrument pouvant éviter une sanction de type indemnitaire et/ou pénal.