Interview réalisée pour entreprise-et-droit
Le rendez-vous ? Un entrepôt de la région parisienne où deux jeunes créateurs ont installé la logistique de leur entreprise. Son nom ? Gourmet sans gêne. Tout un programme ! Récit d’une rencontre avec deux associés qui ont fait preuve d’audace mais gardent la tête sur les épaules…
Entreprise-et-droit.com : Gourmetsansgene, derrière ce nom appétissant se cache un site internet de vente de produits alimentaires destiné aux personnes souffrant d’allergies ou d’intolérances. Comment est né ce projet ?&#&#&#&#
Yves Teinturier : Gourmetsansgene est né en deux temps. Au départ l’envie de vendre en ligne mais sans avoir encore de créneau vraiment déterminé. Puis, la découverte récente de l’allergie au gluten de mon épouse. C’est là qu’on s’est rendu compte que se procurer des produits sans allergène était extrêmement compliqué : il n’y a que quelques boutiques bio et elles sont regroupées sur la région parisienne et dans les grandes agglomérations. Et même en ligne, il y a relativement peu de sites marchands spécialisés, ou alors ils sont anglophones. Voilà ce qui nous a décidé à nous lancer.
Eetd : Entre la détermination de l’objet de votre site et son ouverture, combien de temps s’est écoulé ?
YT : Au mois de mars, cela fera un an qu’on travaille sur le projet. Bien sûr, on a établi toute une série de business plan et réalisé des tableaux économiques les plus poussés possible pour cerner la viabilité et la rentabilité de notre concept à moyen et long terme.
Jérôme Johnson : On a, par exemple, étudié les statistiques de la population présentant une allergie déclarée et les estimations des personnes allergiques qui s’ignorent. Il y a un vrai marché. C’est un phénomène pathologique qui est de plus en plus détecté et connu.
YT : On a donc un gros potentiel de développement. On vise un marché récent en pleine expansion avec évidemment des possibilités commerciales importantes en matière de chiffre. Sur le papier c’est un bon créneau mais bon, on en reparlera dans 6 mois, un an…
JJ : Pour en revenir à votre question, la société a été créée fin octobre et le site mis en ligne fin novembre.
Eetd : A terme, envisagez-vous d’ouvrir une boutique physique ?
YT : Non, pour nous cela n’a aucun intérêt. Une boutique physique ne concerne qu’une petite région et oblige les gens à se déplacer.
Nous livrons en 24 heures avec des coûts de transports et de livraison assez faibles puisque les frais de port sont offerts pour les commandes à partir de 58 €. Or c’est un seuil qui arrive très rapidement.
JJ : Ouvrir une boutique serait réducteur. Avec nous, les potentiels acheteurs ont leur boutique chez eux, directement sur leur écran.
YT : Tenir une boutique, c’est un autre métier et un aspect commercial complètement différent. Il faut être présent à heure fixe alors qu’un site internet est officiellement ouvert 24h/24. D’ailleurs, les internautes font beaucoup de commandes le week-end et le soir. En revanche, les livraisons sont préparées du lundi au vendredi.
Il y a aussi une histoire de coûts : le e-commerce diminue fortement les frais. Prenez un loyer sur une rue un peu commerçante, le bail peut être élevé. En plus, il faut compter la décoration de la boutique, son éclairage…
Eetd : Et du point de la relation commerciale avec les clients, quelle est la différence ?
YT : Nous tenons à être réactif et interactif ! Quand un internaute surfe chez nous, il est invité à nous contacter, nous faire des suggestions, ce qu’il aimerait trouver en ligne… C’est pourquoi on communique un numéro de téléphone et une adresse mail. Nos réponses sont très rapides.
A côté de ça, il faut faire attention : l’internaute est plus indépendant que le client d’une boutique physique. Il n’a pas forcément envie d’être sollicité par un vendeur, un commercial. Il a besoin d’une certaine tranquillité pour faire ses achats.
JJ : En fait, la clientèle sur internet a beaucoup évolué. Il y a celle qui est familière du web et pour qui l’achat en ligne est devenu un acte de la vie quotidienne.
Et puis celle plus récente, un peu perdue, un peu effrayée aussi, notamment par le paiement en ligne. Pour elle, c’est à nous d’être disponibles et d’humaniser la relation virtuelle. Elle a davantage besoin d’être rassurée et accompagnée. On lui fournit des conseils, des informations sur les délais de livraison, la sécurité de paiement…
YT : Je pourrais vous parler ici d’une cliente qui a préféré téléphoner pour passer sa commande car elle avait besoin d’être guidée. En l’occurrence, elle découvrait l’achat en ligne. Je lui ai expliqué la marche à suivre. On a passé plus d’une demi-heure ensemble mais à la fin elle avait parfaitement assimilé le mode d’emploi. C’est aussi ça notre métier : répondre aux besoins des clients.
Eetd : Et justement, outre la vente, proposez-vous d’autres services en ligne ?
YT : Le plus important de nos services accessoires, c’est la fourniture d’informations. Dans la mesure où nous vendons des produits touchant à la santé, nous proposons une série de liens vers des sites internet référents en matière d’allergie.
Nous aurions pu rédiger des fiches synthétiques mais nous sommes des entrepreneurs et non des médecins ou des chercheurs. Certes, nous connaissons le sujet mais nous n’avons pas la prétention de nous substituer aux spécialistes scientifiques. C’est une façon de se protéger juridiquement aussi.
De plus, on va bientôt développer une » foire aux questions » où on mettra pêle-mêle des informations sur la signification des pictogrammes figurant sur les produits, sur les modalités du paiement en ligne et sur la sécurisation des données personnelles.
JJ : On a voulu créer une vraie logique : d’un côté la vente de produits et de l’autre un vrai accès à l’information. En fait, notre public est tellement spécifique que nos ventes sont indissociables d’une communication en amont.
Eetd : Et d’ailleurs en terme de communication, quelle est votre stratégie ? Avez-vous mis en place une politique de référencement particulière ?
YT : Nous avons décidé de miser sur deux fronts. Le premier, le référencement naturel, s’effectue sur les mots-clés, le contenu du site… On va alors beaucoup jouer sur des mots-phares tels que » gluten « , » allergie » ou encore les variétés de produits vendus. L’objectif est que, quand quelqu’un tape » pain sans gluten » sur un moteur de recherche, nous arrivions dans les premières réponses.
Le second front est le référencement payant, il vient en complément. Il s’agit d’une forme de publicité » au coût par clic » proposée par les moteurs de recherche. Des stratégies complexes sont mises en place : il faut d’abord déterminer si on veut mettre beaucoup d’argent sur chaque clic, ce qui permettrait d’arriver en tête des résultats ou si on préfère mettre moins d’argent mais sur un plus grand nombre de mots-clés. Pour l’instant, nous avons choisi la seconde solution. Notre objectif est d’être constamment présent sur les résultats.
Quand nous aurons un peu de recul sur cette campagne, nous procéderons à une analyse comportementale des internautes afin savoir ce qu’ils tapent pour arriver sur nous, et jouer sur les positionnements en augmentant le coût du clic sur certains mots-clés.
Par ailleurs, nous travaillons actuellement sur LeGuide.com qui est un moteur de recherche un peu particulier référençant tous les sites marchands.
Enfin, comme nous l’avons déjà précisé, nous avons intégré quelques liens vers des sites externes. Il s’agit même d’un partenariat puisque ceux-ci mentionnent Gourmetsansgêne dans leur rubrique de sites à visiter.
Notre objectif est de nous positionner sur tous les tableaux afin de se faire connaître au maximum et ainsi d’augmenter le trafic sur notre site et, par conséquent, nos ventes.
Eetd : Vous faites des salons aussi ?
YT : Pour l’instant, non.
JJ : Rien que la petite chaise dans un salon, c’est 3000 €. Difficile de la rentabiliser ! Nous sommes plutôt partis sur des campagnes plus classiques. Nous avons imprimé des affiches que nous distribuons dans les écoles et les pharmacies. Nous y sommes très bien accueillis. Par exemple, les pharmaciens reçoivent souvent des clients qui cherchent à se procurer des aliments compatibles avec leur allergie. Or, le pharmacien n’en vend pas et ne sait pas forcément où orienter le client. Grâce à nos affiches et notre démarche positive, il sait maintenant quoi faire, comment le guider et le conseiller.
Nous avons aussi envoyé un mailing à tous les allergologues. Enfin, nous nous sommes fait connaître des associations référentes.
D’une manière générale, on s’aperçoit qu’il existe une réelle demande. En fait, nous avons encore des idées et des envies que nous souhaitons mettre en œuvre à terme. Pour l’instant le budget nous manque.
YT : Oui, la communication, c’est un très lourd budget. Une page de publicité dans un magazine à grand tirage se chiffre très vite à 20 000 €. C’est exactement la somme qui nous a permis de monter toute la boîte. Maintenant, débourser 20 000 € pour en récupérer 2 millions derrière, pourquoi pas !
Eetd : Avec le recul (une année de préparation du projet et deux mois d’expérience de vente en ligne), quels conseils donneriez-vous à un entrepreneur tenté par l’aventure du e-commerce ?
YT : Le premier conseil, c’est de bien comprendre qu’internet n’est pas un gadget. Vendre en ligne nécessite autant de professionnalisme et de préparation que n’importe quel commerce physique.
Il y a de nombreux paramètres à prendre en compte. D’ailleurs, beaucoup d’entrepreneurs risquent de faire fausse route en allant sur le créneau de la vente en ligne sans en connaître les spécificités. Créer un site marchand quand on possède déjà une boutique physique n’a jamais suffit à augmenter son activité. Il faut toute une structure derrière, une logistique, des compétences précises propres à faire vivre le site…
JJ : Il faut sortir surtout de cette idée reçue et stéréotypée selon laquelle internet est facile. C’est devenu » on clique, ça marche « . Or non, c’est un projet qui se pense, c’est un commerce. C’est simplement un canal différent de vente.
Gourmet sans gêne : www.gourmetsansgene.com