Interview réalisée par entreprise-et-droit.com
Incertitudes liées au lendemain, volonté de se préserver au mieux des aléas de la vie, ou tout simplement précautions financières face aux imprévus des petits et gros bobos, nombreux sont les actifs souscrivant un contrat avec une compagnie d’assurance santé. Les professions libérales sont naturellement tout autant concernées. Mais que recouvre la notion de « prévoyance santé » ? Quels sont les risques à envisager ? Y a-t-il des avantages fiscaux ? Comment définir ses besoins ? Etc.Marc-Olivier Lalère, Responsable commercial sur Paris, et Bénilde Soubrane, Conseiller Prévoyance Santé, chez AGF nous aident à faire le point.&#&#&#&#
Entreprise-et-droit.com : Que faut-il entendre sous l’appellation générique de « prévoyance santé » ?
Benilde Soubrane : La prévoyance santé se scinde en deux gammes distinctes. C’est d’abord la complémentaire santé, c’est ensuite la prévoyance.
La complémentaire santé va s’ajouter à la Sécurité sociale de la même façon qu’une mutuelle pour un salarié. Avec un plus : les professionnels indépendants choisissent selon leurs besoins car c’est une complémentaire santé à la carte. Prenons l’exemple très concret de l’optique et du dentaire pour les avocats. Leur couverture sociale de base les laisse assez démunis. C’est là qu’une complémentaire santé adaptée va intervenir.
La prévoyance est tout aussi importante -à mon sens- que la complémentaire santé. C’est un substitut de revenus en cas d’arrêt de travail. Il faut voir la prévoyance comme un revenu de remplacement.
EetD : Vous preniez pour exemple le cas des avocats…
B.S : C’est un exemple que j’aime bien parce que je le trouve pertinent. Leur régime obligatoire -très technique- crée un vide que la prévoyance santé va combler. Elle va le combler en allant au-delà des deux mois de couverture pour les collaborateurs d’un cabinet d’avocats. Et elle va le combler en intervenant dès le premier jour, notamment en cas d’accident, pour les associés (qui ne bénéficient pas des deux mois de couverture).
EetD : Rien d’obligatoire donc
Marc-Olivier Lalère : Effectivement. Toutefois, on ne peut que conseiller de réfléchir à la prise de risques, notamment financiers, en cas de non souscription à une telle convention.
Prenez les salariés, ils sont généralement bien couverts. Leur entreprise propose parfois une convention collective qui leur permet d’avoir un complément monétaire. En plus, en cas d’arrêt de travail, ils ont un régime obligatoire beaucoup plus favorable.
Aujourd’hui un jeune avocat qui garde, par exemple, sa mutuelle étudiante, va n’avoir droit qu’au strict minimum. Et il n’est pas à l’abri de surprises ! C’est vrai que les questions de santé ne paraissent pas d’actualité en début de carrière. C’est pour cela que nous proposons des solutions évolutives dans le temps.
La complémentaire santé tient également compte de particularités géographiques. Les besoins de Paris et ceux de la province sont différents. Aujourd’hui à Paris, il faut parler de frais réels pour une hospitalisation et de dépassements d’honoraire pour les consultations. Tous ces aspects-là, qui sont facultatifs certes, peuvent devenir très coûteux si l’on n’a pas de couverture.
EetD : La loi Madelin prévoit un dispositif de déductibilité fiscale des cotisations d’assurance. Comment s’applique-t-il ?
B.S. : Chaque année, les professions libérales remplissent une déclaration fiscale. Elles peuvent déduire les cotisations, que ce soit la prévoyance ou la complémentaire santé, de leurs revenus imposables.
M.-O.L. : C’est une déductibilité intéressante parce qu’elle peut avoir un impact direct sur les impôts payés. Plus les » cotisations Madelin » -qui incluent aussi la retraite- sont élevées, plus c’est avantageux pour le contribuable.
EetD : Depuis l’adoption de ce dispositif, avez-vous pu observer une évolution du comportement des professions libérales ?
B.S. : Quand on dit Madelin, on touche un point sensible. Plus ils souscrivent, plus ils déduisent, alors forcément fiscalement c’est intéressant.
M.-O.L. : L’aspect défiscalisation n’est pas négligeable. Mais avouons que ce n’est pas le seul. Savoir qu’il peut compter sur une garantie en cas d’arrêt de travail entre aussi dans la décision de celui qui va souscrire à une prévoyance santé.
EetD : L’anticipation des risques est primordiale. Là aussi, y a-t-il eu une évolution des comportements ?
B.S. : Il y a surtout une prise de conscience.
M.-O.L. : Comme tout le monde, le libéral se rend compte qu’il peut se retrouver en difficulté financière du jour au lendemain. Il a des frais, des charges personnelles, des emprunts… Il veut s’assurer un maintien de son niveau de vie quoiqu’il arrive.
EetD : Et cela, quelle que soit la profession libérale concernée ?
B.S. : Jusqu’à présent, on a surtout parlé des avocats mais la prévoyance santé couvre toutes les professions indépendantes : les experts-comptables, les informaticiens, les consultants, les commerçants… C’est une gamme qui s’adresse à tous ceux qui n’ont pas de complémentaire santé quel que soit leur niveau de revenus.
M.-O.L. : Le niveau de revenus joue en fait lors du choix de la solution avec l’assureur. Il faut s’assurer à la carte, c’est-à-dire selon ses besoins. Il est important de s’interroger sur sa situation personnelle (quels risques sont les plus susceptibles de me concerner ? quel niveau de vie je veux maintenir ?…) pour déterminer son contrat. Il faut éviter les solutions standardisées.
B.S. : C’est tout à fait ça. Le jeune célibataire n’a pas les mêmes attentes que le père de famille. Plus encore, il faut régulièrement repenser ses besoins et donc son contrat : le jeune célibataire sera peut-être un jour ce fameux père de famille…
EetD : A chacun d’anticiper ?
M.-O.L. : Ce n’est pas tout à fait cela. Si l’assureur est un vrai pro, il doit prendre régulièrement contact avec vous (une fois par an est un bon rythme) et faire le point sur votre situation. Sans cela, vous risquez des surprises, l’exemple extrême mais malheureusement réel est celui de l’avocat qui a souscrit en 2000 une garantie en francs et qui n’a jamais été revalorisée depuis… Les garanties deviennent vite obsolètes et les professions libérales n’ont pas forcément le temps de s’y pencher, alors il faut vraiment faire périodiquement une réévaluation de son profil.
B.S. : L’anticipation est également technique. On tient compte des évolutions des consommations médicales. Par exemple, aujourd’hui on rembourse l’opération laser pour la myopie alors qu’on ne le faisait pas il y a quelques années. Le bon assureur se doit de suivre les évolutions des techniques et régulièrement, tous les 2/3 ans, refaire ses garanties et proposer des solutions innovantes évoluant au fil du temps.
EetD : Quelques mots pour conclure ?
B.S. : Je dirai que chaque assuré à un profil spécifique. Un artisan plâtré ne peut plus pleinement exercer son activité. Pour un avocat, c’est différent. Son arrêt de travail nécessite davantage un gros coup dur. Le tarif est lié au risque professionnel spécifique.
Loi 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle, JORF 13 février 1994