L’encadrement des moyens informatiques dont dispose le salarié dans l’entreprise s’impose aujourd’hui de plus en plus comme une évidence pour l’employeur. Effectivement, depuis la jurisprudence Nikon rendue à propos d’un courrier électronique et posant le principe selon lequel le salarié à droit au respect de sa vie privée même sur son lieu de travail, l’employeur ne peut plus interdire leur utilisation, même si celle-ci ne saurait être abusive.
En effet, l’employeur ne peut pas accéder librement aux courriels de son salarié afin de collecter des preuves justifiant de son licenciement puisqu’il prendrait dans cette hypothèse le risque, même en cas de faute avérée du salarié, de voir le licenciement requalifié par les juges comme étant sans cause réelle et sérieuse1. Cependant, il semble aujourd’hui admis un licenciement pour faute est valable lorsqu’il s’avère que le nombre de courriels personnels envoyés par le salarié est excessif (voir infra).
De façon similaire, l’employeur peut être tenu comme civilement responsable envers les tiers en cas de faute commise par le salarié dans l’utilisation des moyens informatiques mis à sa disposition.
L’employeur doit donc, pour se protéger, user de son pouvoir disciplinaire et opérer un encadrement des moyens informatiques mis à la disposition des salariés.
Cet encadrement qui doit mettre en balance les impératifs professionnels et le respect de la vie privée au sein de l’entreprise peut figurer dans le règlement intérieur ou faire l’objet d’une charte informatique portée à la connaissance des salariés.
A titre d’exemple, la réglementation pourrait interdire un usage de l’outil informatique en violation de droit de propriété intellectuelle (notamment le téléchargement d’œuvre musicale et audiovisuelle), contraire aux bonnes mœurs (comme les messages à caractère pornographique) ou à constituant un délit par voie de presse (injure, diffamation).
Elle pourrait aussi mettre en œuvre des moyens de protection techniques, comme l’institution d’une procédure de sécurisation des postes informatiques à l’aide de codes secrets afin d’en limiter l’accès à des tiers.
Nous verrons quels sont les grands principes dégagés par la jurisprudence en matière d’accès de l’employeur sur les postes de ses salariés et la distinction qu’elle opère entre, d’une part, les correspondances électroniques et, d’autre part, les fichiers informatiques.
Concernant les e-mails
Les courriers électroniques ou e-mails sont soumis au secret des correspondances et protégés par le droit fondamental à la vie privée. L’employeur ne peut, de ce fait, en prendre connaissance sans l’accord de son salarié (arrêt Nikon du 2 octobre 2001 susmentionné).
L’employeur peut toutefois réglementer l’usage de la messagerie électronique en instituant la règle selon laquelle les courriers expédiés à titre personnel doivent être identifiés comme tels et que les courriers reçus à titre personnel doivent être classés dans un répertoire privé.
Dans une affaire récente, les juges ont validé un licenciement pour faute fondé sur le nombre excessif de courriels personnels envoyés par un salarié, sans que l’employeur ait accédé au contenu de ces messages2.
En cas d’absence du salarié, il peut être demandé la mise en place d’un message automatique d’absence précisant la personne assurant l’intérim et à contacter dans l’entreprise. Les expéditeurs de correspondances professionnelles sont ainsi invités à rediriger leurs messages, l’entreprise s’abstient de ce fait d’entrer dans la messagerie du salarié absent. Un tri se fait donc de manière implicite entre les messages professionnels et les correspondances privées qui resteront à la disposition du salarié à son retour.
Concernant les fichiers informatiques
Ce sont les documents informatiques contenus sur le disque dur de l’ordinateur qui n’ont pas le caractère de correspondances privées mais qui revêtent un caractère privé s’ils sont identifiés comme tels par le salarié.
Par un arrêt Cathnet–Science du 17 mai 20053, la Cour de cassation transpose aux fichiers informatiques les même règles qu’en matière de fouille des placards des salariés : « Sauf risque ou événement particulier l’employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à disposition qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé« .
L’employeur, dans le cadre d’une réglementation, peut instituer la règle que tout fichier ne portant pas la mention » personnel » soit considéré comme ayant un caractère professionnel et, de ce fait, puisse être consulté par les collègues et supérieurs du salarié. C’est d’ailleurs le principe que retient la Cour de cassation dans un arrêt du 18 octobre 20064 posant ainsi une présomption d’appartenance professionnelle des dossiers. En l’espèce, le licenciement pour faute grave d’un salarié a été justifié car ce dernier, attaché commercial, avait crypté son ordinateur, empêchant ainsi son employeur d’avoir accès à des dossiers commerciaux.
L’employeur peut aussi prévoir d’allouer un espace personnel plus ou moins limité à chaque salarié sur son poste informatique afin d’éviter les dérives.