Embauche, évolution de carrière, salaire, promotion… Autant de moments où l’employeur opère un choix et procède à des arbitrages. Malheureusement, ce sont également les occasions de possibles discriminations. L’employeur dans la conduite de ses activités doit toujours conserver son objectivité. Aucun élément autre que les capacités professionnelles du salarié ou du candidat à un poste ne peut influencer sa prise de décision. Le sexe, la couleur de peau, l’âge, la religion… sont autant de caractéristiques qui ne doivent pas interférer.
Le principe de non-discrimination est affirmé par la Constitution et la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Il régit ainsi l’ensemble des relations de travail, notamment lors de l’embauche, de l’exécution et de la rupture du contrat de travail. En France, c’est la loi du 27 mai 2008 (transposant quatre directives communautaires) qui prohibe toute discrimination, distingue le caractère direct ou indirect des discriminations, liste les différences de traitement autorisées…
Personnes protégées
La loi vise à protéger de toute discrimination émanant d’un employeur de droit privé, d’une personne publique (dont les personnels sont employés dans des conditions de droit privé ou non) et d’une personne exerçant activité professionnelle indépendante. Le texte instaure, par ailleurs, une protection contre les sanctions dont pourraient faire l’objet les témoins de faits discriminatoires. A noter que les femmes enceintes font l’objet d’une protection particulière : l’employeur ne peut refuser d’embaucher ou licencier en raison d’un état de grossesse
Notion de discrimination
Discriminations directes ou indirectes
La loi du 27 mai 2008 prohibe toute discrimination directe ou indirecte :
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constitue une discrimination directe toute « situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aurait été dans une situation comparable » ;
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constitue une discrimination indirecte, « une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner […] un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifiée par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés».
La loi du 27 mai assimile, par ailleurs, l’injonction de discriminer à une discrimination effective.
Exemples jurisprudentiels
Est ainsi discriminatoire le fait pour l’employeur d’exclure du bénéfice de l’augmentation générale de salaire les seuls salariés ayant été en arrêt maladie plus de 20 jours (Cass. Soc. 7 févr. 2006 n° 04-45.733), de licencier une salariée dont l’emploi est supprimé en raison du seul fait qu’il est spécifiquement féminin (Cass. Soc. 9 juin 1998, n° 96-40.390), de sanctionner uniquement les délégués syndicaux ayant organisé une grève et pas les autres organisateurs (Cass. Crim. 27 nov. 1973, n° 73-90.495). De même constitue « une situation générale d’inégalité de traitement entre les femmes et les hommes », le fait qu’une femme n’ait pas retrouvé un poste similaire à celui qu’elle occupait avant son congé parental d’éducation et ait été affectée à un poste moins valorisant, avec une rémunération inférieure (CA Paris, 5 mai 2010, n° 06-05388). En effet, le Code du travail pose clairement le principe de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femme. (Voir la fiche pratique sur légalité professionnelle hommes – femmes).
Circonstances où l’employeur doit conserver son objectivité
Aucune discrimination ne peut venir entacher l’objectivité de l’employeur lors de la prise d’une sanction, d’une décision de licenciement ou en matière de rémunération, de mesures d’intéressement ou la distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, lors de l’exercice normal du droit de grève
Protection contre les discriminations dans le cadre d’une procédure de recrutement : contenu de l’offre d’emploi et CV anonyme
Le principe de non-discrimination s’applique dès la procédure de recrutement que celle-ci soit effectuée directement par l’employeur ou par l’intermédiaire d’un cabinet de recrutement. Par conséquent, l’offre d’emploi ne doit pas mentionner de limite d’âge supérieure, sauf si elle est imposée par les textes législatifs ou réglementaires. Elle ne doit pas contenir de mentions discriminatoires ni d’allégations fausses ou susceptibles d’induire en erreur et portant en particulier sur un ou plusieurs des éléments suivants : l’existence, le caractère effectivement disponible, l’origine, la nature et la description de l’emploi ou du travail à domicile offert, la rémunération et les avantages annexes proposés ainsi que le lieu de travail. En outre, l’article L1221-7 du Code du travail dispose que « dans les entreprises de cinquante salariés et plus, les informations communiquées par écrit par le candidat à l’emploi doivent être examinées dans des conditions préservant son anonymat ». L’objectif de cette disposition était de mettre en place la pratique du CV anonyme, c’est-à-dire ne faire figurer ni photo, ni âge, ni sexe, ni nationalité, ni adresse et ainsi s’assurer que les employeurs se fonderaient uniquement sur les compétences du candidat. Toutefois, le décret d’application n’ayant jamais été promulgué, cette disposition n’est toujours pas entrée en vigueur.
Recours et sanctions
Recours civil
Toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié ne respectant pas le principe de non-discrimination est nul. Le salarié victime d’une discrimination peut saisir le Conseil des prud’hommes pour faire reconnaître la nullité et obtenir un dédommagement. Dès lors que la mesure annulée est un licenciement, le salarié a droit à être réintégré au sein de son entreprise et l’employeur a l’obligation de lui verser l’ensemble des salaires. En effet, le salarié est considéré comme n’ayant jamais quitté l’entreprise. L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.
Recours pénal
Les articles 225-1 et suivants du Code pénal sanctionnent de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait d’opérer, à l’occasion d’un recrutement ou de l’exécution du contrat de travail, une discrimination fondée sur l’origine, le sexe, la situation de famille, la grossesse, l’apparence physique, le patronyme, l’état de santé, le handicap, les caractéristiques génétiques, les mœurs, l’orientation sexuelle, l’âge, les opinions politiques, les activités syndicales, l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposées, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Tant l’employeur personne physique que l’entreprise personne morale encourt ces peines (l’amende encourue par la personne morale est quintuplée).
Les règles relatives à la charge de la preuve
Selon les règles habituellement applicables, il reviendrait au candidat ou au salarié qui se plaint d’une discrimination d’en rapporter la preuve par tous moyens. Toutefois, le Code du travail a, en ce domaine, aménagé les règles de preuve. Le salarié estimant être victime d’une discrimination doit rapporter des éléments de fait laissant présumer le comportement discriminatoire de l’employeur. Celui-ci doit alors se défendre en démontrant que son choix est fondé sur des éléments objectifs. Il revient en définitive au juge, à la vue de l’ensemble de ces éléments, de trancher le litige. Cependant, ces dispositions ne s’appliquent pas devant les juridictions pénales, la procédure pénale, accusatoire, étant régie par le principe de la présomption d’innocence.
Différences de traitement autorisées
Les différences de traitement ne sont pas systématiquement prohibées. Lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée.
L’âge
Certaines différences de traitement fondées sur l’âge sont autorisées lorsqu’elles « sont objectivement et raisonnablement justifiées […] par un objectif légitime », comme « le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d’assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d’emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés ». C’est le cas de l’interdiction de l’accès à l’emploi ou la mise en place de conditions de travail spéciales en vue d’assurer la protection des jeunes et des travailleurs âgés et de la fixation d’un âge maximum pour le recrutement dans le cadre de certains contrats de travail réservés aux jeunes. Par ailleurs, la pénibilité de certains travaux (ex : port de charges) entraîne des réglementations spécifiques.
L’inaptitude
Les différences de traitement fondées sur l’inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l’état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectives, nécessaires et appropriées.
Le sexe
Les différences de traitement, lorsque l’appartenance à l’un ou l’autre sexe répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée ne constituent pas une discrimination.
Personnes pouvant intervenir en cas de discrimination
Les organisations syndicales
Les organisations syndicales représentatives au niveau national ou dans l’entreprise peuvent exercer en justice toutes les actions en faveur d’un candidat à un emploi, à un stage ou une période de formation en entreprise, ou d’un salarié. L’organisation syndicale n’a pas à justifier d’un mandat de l’intéressé. Il suffit que celui-ci ait été averti par écrit de cette action et ne s’y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention d’agir. L’intéressé peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat.
Les associations
Les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins pour la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peuvent exercer en justice une action en faveur d’un candidat à un emploi, à un stage ou une période de formation en entreprise ou d’un salarié sous réserve de justifier d’un accord écrit de l’intéressé. Ce dernier peut toujours intervenir à l’instance engagée par l’association et y mettre un terme à tout moment.
Les délégués du personnel
Si un délégué du personnel constate, notamment par l’intermédiaire d’un salarié, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur. Cette atteinte peut, en particulier, résulter de toute mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement. L’employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti par écrit ne s’y oppose pas, saisit le bureau de jugement du Conseil de prud’hommes qui statue selon la forme des référés.
L’inspecteur du travail
Les inspecteurs du travail sont chargés de veiller à l’application des dispositions du Code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail, ainsi qu’aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail. Ils sont également chargés, concurremment avec les officiers et agents de police judiciaire, de constater les infractions à ces dispositions et stipulations. Ils constatent aussi les infractions commises en matière de discriminations. Les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu’à preuve du contraire. Ces procès-verbaux sont transmis au Procureur de la République. Un exemplaire est adressé au représentant de l’Etat dans le département.
La HALDE
La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) a été créée par la loi du 30 décembre 2004. Ses pouvoirs ont été renforcés par la loi du 31 mars 2006 « pour l’égalité des chances. La HALDE une autorité administrative indépendante chargée d’identifier les pratiques discriminatoires, de les combattre et de résoudre concrètement les problèmes qu’elles posent.
Ses missions sont nombreuses :
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traiter des réclamations et informer les personnes sur leurs droits ;
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engager toute action afin de promouvoir l’égalité et, notamment, des chances et de traitement ;
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entreprendre des actions de sensibilisation et de formation pour faire évoluer les pratiques et les mentalités ;
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intervenir auprès des pouvoirs publics et agir avec tous les partenaires engagés dans la lutte contre les discriminations ;
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exprimer des recommandations tendant à faire progresser les pratiques et le droit.
La HALDE étudie toutes les requêtes qui lui sont transmises et assiste les personnes dans la constitution de leurs dossiers. Elle peut, au demeurant, s’auto-saisir de toute pratique discriminatoire dont elle a connaissance pour y mettre un terme. Dans l’examen des requêtes, elle dispose de pouvoirs d’enquête pour établir la preuve de la discrimination. Dans ce cadre, elle cherche les éléments propres à évaluer l’éventuelle discrimination et à rétablir l’égalité de traitement. A cette fin, elle peut faire procéder à des auditions et des vérifications sur place et se faire communiquer toute information. Les personnes mises en cause ou sollicitées sont tenues de répondre à ses demandes. En cas de refus, la Haute autorité peut saisir le juge des référés. Elle peut également exiger de l’auteur d’une discrimination qu’il y mette fin et rendre publique son intervention. La Haute autorité a aussi la possibilité de transmettre le dossier à l’autorité disciplinaire. Lorsqu’une solution est envisageable sans en venir au procès, la HALDE peut proposer une médiation et – avec l’accord des parties – nommer un médiateur. En cas de procès, la personne qui s’estime victime est informée des procédures et des recours possibles et peut demander l’intervention de la Haute autorité devant le tribunal civil, tribunal correctionnel, Conseil des prud’hommes, tribunaux administratifs, afin qu’elle donne son avis. La Haute autorité présente ses observations à la demande du juge ou de son propre chef. Elle informe le procureur de la République lorsque des faits constitutifs d’un crime ou d’un délit sont portés à sa connaissance.