Les enchères électroniques inversées en pratique

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Les moyens de passation de contrats entre fournisseurs et acheteurs ont connu de profondes modifications avec l’arrivée d’Internet. Parmi les plus percutantes se trouvent les enchères électroniques inversées. Aujourd’hui, elles se sont fait une vraie place dans la négociation commerciale entre professionnels. Les premières règles en la matière sont intervenues dans le secteur très précis des marchés publics1 puis, pour le secteur privé, dans la loi en faveur des petites et moyennes entreprises 2

Prisées par les acheteurs qui y voient l’occasion de réduire leur coût par une mise en compétition en temps réel, davantage craintes des fournisseurs qui y voient un risque de concurrence déloyale, les enchères électroniques inversées n’en sont encore qu’aux prémisses de leur développement.

1 – Mécanisme des enchères électroniques inversées

Le procédé des enchères électroniques inversées permet aux acheteurs de biens ou de services de mettre en concurrence directe plusieurs offreurs3 via une place de marché (c’est-à-dire un site Internet qui sert d’interface entre les protagonistes).

Concrètement, l’acheteur présente ses besoins par le biais d’un cahier des charges et convie ses potentiels clients à une séance d’enchères en lignes. La date et l’heure ayant été préalablement communiquées.

Un prix maximum est fixé par l’acheteur. Contrairement aux enchères traditionnelles, les offreurs vont, à partir de ce prix de départ, enchérir à la baisse4. L’opération prend fin soit parce que les acheteurs refusent de descendre en dessous d’un certain prix, soit parce que les enchères ont atteint le prix minimum qu’ils avaient fixé au tout début de l’enchère (et en dessous duquel ils n’ont pas le droit d’enchérir).

Nb : si l’acheteur ne fixe pas de prix de départ, les enchères commencent au prix que souhaite le premier enchérisseur. L’acheteur pourra toutefois refuser de conclure à un montant qui lui semble trop élevé.

Ce type d’enchère présente de nombreux avantages pour l’acheteur :

un moyen de négociation efficace : l’acheteur identifie très rapidement l’offre la plus intéressante ;
un gain de temps : les négociations de prix s’effectuent finalement entre les différents offreurs et non entre l’acheteur et ses fournisseurs. L’acheteur se positionne en arbitre de la baisse des prix ;
une baisse estimée des prix d’environ 40%.

Les enchères électroniques inversées offrent également des avantages pour les fournisseurs : réduction des stocks, gestion à flux tendus…

Toutefois, cette technique n’est pas dénuée de certains risques :

la course au prix le plus bas conduit certains offreurs à ne pas répondre au cahier des charges et à proposer un produit de qualité moindre ;
un offreur qui souhaite absolument emporter l’enchère risque de se voir entraîner dans une spirale de course au prix bas qui pourrait le conduire à vendre à perte ;
une fois l’enchère terminée, l’acheteur pourrait avoir la tentation de continuer à négocier l’offre. En soit, cela n’a rien d’illégal mais pourrait créer une situation discriminante si des modifications venaient à intervenir sur le contenu même du cahier des charges ;
si aucune règle n’existe sur le moment de consentement du contrat, l’acheteur pourrait finalement décider de ne pas conclure avec le fournisseur ayant remporté l’enchère.

Pour prévenir ces risques, le législateur a introduit certaines dispositions spécifiques à ce processus dans la loi en faveur des PME.

2 – Apport de la loi en faveur des petites et moyennes entreprises

La loi du 2 août 2005 a intégré un article L.442-10 dans le Code du commerce qui réglemente spécifiquement les enchères électroniques inversées.
I. – Est nul le contrat par lequel un fournisseur s’engage envers tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers sur une offre de prix à l’issue d’enchères inversées à distance, organisées notamment par voie électronique, lorsque l’une au moins des règles suivantes n’a pas été respectée :
1º Préalablement aux enchères, l’acheteur ou la personne qui les organise pour son compte communique de façon transparente et non discriminatoire à l’ensemble des candidats admis à présenter une offre les éléments déterminants des produits ou des prestations de services qu’il entend acquérir, ses conditions et modalités d’achat, ses critères de sélection détaillés ainsi que les règles selon lesquelles les enchères vont se dérouler ;
2º A l’issue de la période d’enchères, l’identité du candidat retenu est révélée au candidat qui, ayant participé à l’enchère, en fait la demande. Si l’auteur de l’offre sélectionnée est défaillant, nul n’est tenu de reprendre le marché au dernier prix ni à la dernière enchère.
II. – L’acheteur ou la personne qui organise les enchères pour son compte effectue un enregistrement du déroulement des enchères qu’il conserve pendant un an. Il est présenté s’il est procédé à une enquête dans les conditions prévues au titre V du présent livre.
III. – Les enchères à distance inversées organisées par l’acheteur ou par son représentant sont interdites pour les produits agricoles visés au premier alinéa de l’article L. 441-2-1, ainsi que pour les produits alimentaires de consommation courante issus de la première transformation de ces produits.
IV. – Le fait de ne pas respecter les dispositions des I à III engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé. Les dispositions des III et IV de l’article L. 442-6 sont applicables aux opérations visées aux I à III du présent article.

L’objectif de ces dispositions est de protéger l’offreur contre le comportement de certaines centrales d’achat en imposant plus de transparence mais aussi en luttant contre les pratiques discriminatoires.

Imposer plus de transparence :

identification de l’acheteur et de la personne qui organise l’enchère pour son compte ;
obligation d’information sur les produits ou les prestations de services demandées ;
notification des critères de sélection ainsi que des règles régulant les enchères ;
tout candidat ayant participé à l’enchère peut, sur demande, prendre connaissance de l’identité de l’offreur retenu ;
un enregistrement de l’enchère doit être conservé par l’acheteur pendant un an.

Interdiction de certains produits :

produits agricoles périssables ou issus de courts cycles de productions, d’animaux vifs, de carcasses, produits de la pêche et de l’aquaculture ;
produits alimentaires de consommation courantes issus lors de la première transformation de ces produits.

Sanctions :

le contrat sera déclaré nul si une des règles énoncées dans l’article L.442-10 du Code du commerce n’est pas respectée ;
l’acheteur verra, de plus, sa responsabilité civile engagée s’il ne respecte pas les obligations d’information figurant dans le texte.

En plus de cette disposition, la loi PME a inséré un article L.443-2 I du Code de commerce qui met fin à la pratique du  » lièvre5 « . Le fait de baisser ou de tenter de baisser artificiellement le prix est désormais sanctionné de deux ans d’emprisonnement et de 30 000€ d’amende.
I. – Le fait, en diffusant, par quelque moyen que ce soit, des informations mensongères ou calomnieuses, en jetant sur le marché des offres destinées à troubler les cours ou des sur offres faites aux prix demandés par les vendeurs, ou en utilisant tout autre moyen frauduleux, d’opérer ou de tenter d’opérer la hausse ou la baisse artificielle du prix de biens ou de services ou d’effets publics ou privés, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30000 euros d’amende .

3 – Les secteurs interdits, exemple : celui de l’emploi

En début d’année 2006, un autre type d’enchères électroniques inversées a fait couler beaucoup d’encre : celles ayant lieu dans le secteur de l’emploi. Très utilisées outre-Rhin, elles mettent en concurrence le salaire des candidats à une offre d’emploi. A cv égal et préalablement choisi par l’employeur, le candidat le moins offrant sur son salaire remportera le poste.

Après débats, le législateur a finalement décidé d’interdire ce type de pratique dans le secteur de l’emploi. La loi pour l’égalité des chances6 a, en effet, inséré un nouvel article L.121-10 dans le code du travail :
Les procédures d’enchères électroniques inversées sont interdites en matière de fixation du salaire. Tout contrat de travail stipulant un salaire fixé à l’issue d’une procédure d’enchères électroniques est nul de plein droit.

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Pour conclure sur les enchères inversées, quelques points de la loi PME restent encore sans réponse :

le législateur ne précise pas le moment de conclusion du contrat : est-ce lors de la fin de l’enchère ? Lors de la matérialisation de l’accord ?
    le demandeur peut-il décider de ne pas donner suite à l’enchère ?

Les juges vont très certainement devoir répondre prochainement à ces absences.

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