La loi promet, faite par François Hollande lors de sa campagne présidentielle de 2012, d’obliger les entreprises employant plus de 1000 personnes en France ou / et en Europe et envisageant de fermer des usines jugées encore économiquement viables, à faire leurs meilleurs efforts pour chercher un repreneur avant la fermeture prévue.
Cette e-alerte se concentre cependant sur une autre série d’amendements apportés par la loi qui, bien que peut-être moins symboliques que la nouvelle obligation de « meilleurs efforts pour rechercher un éventuel acheteur », ont des conséquences importantes sur les OPA et le droit des sociétés en France.
La loi introduit une attribution automatique de droits de vote double pour les actions détenues depuis au moins deux ans et modifie considérablement les règles françaises relatives aux offres publiques d’acquisition.
Les règles de prise de contrôle vont désormais :
- exiger de tout soumissionnaire qu’il prévoie un seuil minimum d’acceptation égal à 50% + 1 des actions ou droits de vote cibles ;
- réduire le taux auquel une personne peut acquérir entre 30% et 50% des actions ou droits de vote d’une société cotée française sans déclencher l’obligation de faire une offre obligatoire ;
- abandonner le principe de neutralité du conseil pendant les périodes d’offre, en laissant aux conseils le pouvoir de prendre des mesures frustrantes sans l’approbation préalable des actionnaires ;
- renforcer les pouvoirs des comités d’entreprise cibles par une procédure d’information-consultation avant l’ouverture d’une offre publique d’achat (notamment par le droit de faire appel à un expert qualifié).
Si ces dispositions sont entrées en vigueur immédiatement, d’autres modifications entreront en vigueur le 1er août 2014, notamment afin de permettre au régulateur français (l’AMF) de mettre en place les mesures d’exécution nécessaires.
Attribution automatique de droits de vote double
Avant les modifications apportées par la loi, le droit de vote double ne pouvait être automatiquement attribué à un actionnaire détenant des actions pendant deux ans ou plus que si les statuts d’une société le prévoyaient. De nombreuses entreprises françaises (plus de 50% du CAC 40) ont déjà intégré ce mécanisme dans leurs statuts. Pour rappel, tout transfert d’actions auquel est attaché un droit de vote double entraîne la perte immédiate de ce droit (son attribution étant associée à une détention permanente par la même personne sur une durée définie (soit deux ans ou plus)).
La loi renverse ce principe pour les sociétés cotées sur un marché réglementé, de sorte que l’attribution de droits de vote double devient automatique de plein droit pour toutes les actions détenues sous forme nominative par le même actionnaire pendant deux ans (sauf si les statuts en disposent expressément autrement).
Pour les entreprises qui n’ont pas déjà inclus ces droits de vote double dans leurs statuts, la période de deux ans court à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi (à savoir le 1er avril 2014). En conséquence, les émetteurs souhaitant maintenir l’ancienne règle « une action, une voix » auront deux ans pour soumettre un projet de résolution à une assemblée extraordinaire de leurs actionnaires modifiant leurs statuts.
Dispositions actuelles des statuts et champ d’application pour prévoir une période de détention plus longue
Pour les sociétés françaises cotées sur un marché réglementé dont les statuts contiennent déjà un mécanisme de droit de vote double, ces dispositions resteront applicables sans changement.
Il est à noter que non seulement les entreprises pourront déroger au principe d’attribution automatique en le prévoyant dans leurs statuts, mais qu’il sera également possible de mettre en œuvre le principe du droit de vote double mais pour les actions détenues au-delà de deux ans s’ils le souhaitent.
Sphère de sécurité
Une conséquence de l’attribution automatique d’un droit de vote double peut être que certains actionnaires finissent par franchir le seuil de l’offre obligatoire de 30%. Actuellement, le seul moyen pour un actionnaire dans cette situation d’éviter d’avoir à faire une offre obligatoire est soit d’enregistrer un nombre approprié d’actions nominatives au porteur, soit de vendre une partie de son actionnariat afin de rester en dessous du seuil de 30%.
La loi introduit une nouvelle sphère de sécurité en vertu de laquelle l’AMF sera en droit d’accorder une dérogation à un actionnaire qui :
- était déjà au-dessus du seuil de 30% à la date de promulgation de la loi (la date de promulgation) ;
- décide alors de vendre une partie de sa participation et franchit à la baisse le seuil de 30% ;
- deux ans après, franchit à la hausse le seuil de 30% en raison de l’attribution de droits de vote double, mais sans dépasser son niveau de participation à la Date de promulgation.
Cette sphère de sécurité semble notamment taillée sur mesure pour l’État français en tant qu’actionnaire, qui aura ainsi le droit de céder une partie d’une participation dans une société cotée française après la mise en œuvre de la loi. Ce faisant, elle sera assurée de retrouver sa position de droits de vote antérieure grâce à des droits de vote double attachés aux actions qu’elle détient. L’ensemble de l’opération peut être réalisé sans déclencher d’offre obligatoire.
La nouvelle règle de seuil minimum d’acceptation
Les règles françaises relatives aux OPA exigent que toute offre soit irrévocable et inconditionnelle. Cependant, il existe quelques exceptions à ce principe. Parmi eux, les offres volontaires peuvent être conditionnelles à l’obtention d’un certain niveau d’acceptation.
Jusqu’à la promulgation de la loi, la nature d’une condition relevait entièrement du soumissionnaire (sauf en ce qui concerne les offres obligatoires, qui peuvent ne pas être soumises à des conditions. Les offres obligatoires suivent généralement le transfert d’un bloc de contrôle, et l’objectif principal de l’obligation de soumission obligatoire est de fournir un mécanisme de sortie pour les actionnaires minoritaires en cas de changement de contrôle).
La loi modifie cette approche en introduisant une condition d’acceptation minimale de 50% + 1 pour toutes les offres (qu’elles soient volontaires ou obligatoires), mettant les règles françaises en conformité avec les règles britanniques. Par conséquent, à l’avenir, toute offre à la suite de laquelle le soumissionnaire ne parvient pas à obtenir au moins 50% + 1 de la cible sera automatiquement caduque.
La nouvelle disposition vise à empêcher des soumissionnaires peu scrupuleux de proposer un prix très bas en vue d’obtenir un contrôle de facto sans payer la prime susceptible d’être exigée dans le cadre d’un appel d’offres.
Si l’offre est obligatoire, la caducité de l’offre entraînera :
- les droits de vote dépassant le seuil de 30% étant suspendus (par conséquent, un soumissionnaire détenant 27% des actions cibles qui aurait acquis, par exemple, 8% de plus, serait bloqué à 30% des droits de vote s’il n’obtenait pas 50% +1 suite à son offre); et
- si l’offre obligatoire est déclenchée par l’acquisition de plus de 1% entre 30% et 50% du capital ou des droits de vote, les droits de vote excédant le niveau des actions détenues avant cette acquisition (avec une marge de 1%) Être suspendu.
En cas de caducité d’une offre (volontaire ou obligatoire), l’enchérisseur ne pourra donc pas augmenter sa participation, sauf s’il lance une nouvelle offre qui réussit (car il lui sera interdit d’acquérir ne serait-ce qu’une action de plus sans lancer une nouvelle offre).