L’outplacement ou comment ne pas abandonner un salarié à son sort

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L’outplacement

Connaissez-vous l’outplacement ? Voilà bien une prestation RH dont l’appellation résiste encore et toujours à la commission linguistique issue de la loi Toubon ! 

Originaire des États-Unis, arrivée en France il y a trente ans, cette méthodologie de reclassement des salariés est encore mal appréhendée, alors même qu’elle est porteuse d’avantages nombreux, tant pour l’entreprise que pour le salarié dont celle-ci veut (ou doit) se séparer.

Rencontre avec un  » outplaceur  » pour mieux comprendre les techniques de conseil et de reclassement professionnel dont il use…

L’outplacement est un métier encore mal connu en France. Comment le définiriez-vous en quelques mots ?

L’outplacement c’est l’accompagnement de personnes qui sont entre deux activités. Nous sommes là pour, d’une part, les aider à mettre en valeur ce qu’ils ont accompli professionnellement et, d’autre part, les conseiller dans une orientation. C’est donc à la fois un point sur leur carrière, leurs réalisations passées, leurs envies actuelles et l’anticipation de leurs besoins.

Et ces personnes dont vous parlez -les outplacés- qui sont-elles ?

Je dirais qu’il y a deux profils principaux d’outplacés, ou plutôt qu’il y a deux cas de figure engendrant la séparation entre une entreprise et un salarié.
Premier cas, la séparation due à des motifs économiques réels et sérieux, du style l’entreprise qui a fait de mauvais choix stratégiques. Cela ne remet pas en cause les compétences des salariés dont l’entreprise doit se séparer. C’est d’ailleurs elle qui nous les confie ; notre spécialité étant de les aider à retrouver un travail.
Le second cas de figure correspond à ce que j’appelle le désamour. Après 10, 15 ou 20 ans de satisfaction réciproque entre le salarié et son employeur, les relations changent. C’est comme dans un divorce : tout à coup on s’aime moins, on a des divergences personnelles et stratégiques… on décide de se séparer mais on préfère rester bons amis plutôt que de recourir à une séparation conflictuelle. Je dis parfois que l’outplacement cela facilite un divorce à l’amiable !

Quel est alors votre rôle ?

Nous essayons de comprendre, toujours par un travail avec les outplacés, les raisons de cette rupture et les motifs qui expliquent que toutes ces années de collaboration aboutissent à des divergences d’opinion et de sensibilité.
Une fois le passé évacué et compris, l’outplacé peut commencer à se projeter dans l’avenir.

Avez-vous déjà dû faire face à des situations particulièrement tendues entre le salarié et l’entreprise qui souhaite s’en séparer ?

Comme je vous le disais, il y a plusieurs cas de figure. Mais c’est vrai que nous sommes également confrontés à des départs conflictuels. Nous sommes alors une partie de la transaction.
Par exemple, pour éviter qu’une situation n’aille jusqu’aux Prud’hommes, l’entreprise propose au salarié licencié les services d’un cabinet d’outplacement. Il faut ici comprendre que la personne qui arrive chez nous est très en colère, voire furieuse. Que ses raisons soient bonnes ou mauvaises, on la laisse s’exprimer et dire son amertume. Nous l’aidons alors à aller de l’avant et, avec notre expertise et nos techniques, à déterminer les moyens pour y parvenir.

Vous nous parlez des différents motifs qui provoquent l’outplacement. Existe-t-il un profil-type d’outplacé ? Sont-ce plutôt des cadres, de quel âge, avec quelle ancienneté dans l’entreprise… ?

A l’origine dans les années 80, l’outplacement c’était pour des cadres de plus de 50 ans. Âge particulièrement critique en France pour le retour à l’emploi. Aujourd’hui, nous recevons aussi des trentenaires. Ce peut être le junior pour lequel il y a eu erreur de recrutement. Il travaille bien mais n’est pas en adéquation avec le poste. Nous effectuons alors une mission de 3 à 6 mois pour comprendre le pourquoi de l’échec de cette expérience professionnelle et déterminer dans quelle voie il pourrait à présent s’épanouir.

Un rajeunissement de votre champ d’action donc.

Oui mais pas seulement. Une seconde évolution est très frappante, celle de l’égalité hommes-femmes. Quand j’ai débuté dans ce métier il y a 10 ans, 90 % des personnes que j’accompagnais était des hommes. Avec l’augmentation du nombre de femmes dans les postes à responsabilité, nous suivons désormais autant d’hommes que de femmes.
Par ailleurs, il n’y a pas de métier susceptible de faire l’objet d’un outplacement plus qu’un autre. Par exemple, nous avons eu à intervenir pour des cadres supérieurs, des comptables, des assistantes de direction, des employés d’une usine d’électroménager (tous métiers confondus), des salariés d’une fonderie…

Les entreprises ont-elles le réflexe de l’outplacement ?

L’outplacement bénéficie à des personnes de tous âges et sans discrimination homme/femme. On a assisté en quelque sorte à une démocratisation de l’outplacement. Pour autant, ce n’est pas encore un réflexe systématique de la part des employeurs.
On estime que seulement 5 % des cadres qui sont licenciés vont bénéficier d’une telle prestation. A ma connaissance, il n’existe pas de statistique précise en ce qui concerne les non-cadres.
De plus, n’oubliez pas que le Code du travail implique des mesures de reclassement. C’est le cas dans un plan de sauvegarde de l’emploi, où les mesures de reclassement sont essentielles pour que le plan soit accepté par l’Inspection du travail. Ici, nous sommes mis en concurrence avec d’autres cabinets, nous répondons à des appels d’offre, et c’est à nous d’être les meilleurs.

Concrètement, comment se déroule un outplacement ?

L’outplacement c’est tout sauf abandonner un salarié à son sort. S’il y a un plan social, le point de départ correspond à la fin des négociations avec les partenaires sociaux. En cas de reclassement individuel, tout démarre par une transaction écrite, après le licenciement effectif.
Notre première action est de faire le bilan avec les outplacés et de créer une dynamique positive. Nous utilisons pour cela tout notre savoir-faire en matière de ressources humaines et notre connaissance du monde du travail.

Et, une fois ces méthodes appliquées, quelle solution pour l’outplacé : reconversion totale ou linéarité de parcours avec un simple changement d’environnement ?

Je ne poserais pas le problème en ces termes. Nous rencontrons parfois des personnes qui ont un profond rejet du monde de l’entreprise et qui veulent se mettre à leur compte. Nous nous devons alors de vérifier que ce n’est pas une attitude passagère mais qu’il y a un projet positif et concret.
C’est d’ailleurs l’occasion de bonnes surprises. Certains outplacés avaient un projet qui leur trottait en tête depuis pas mal d’années. Pour eux, la séparation leur offre la possibilité de tourner facilement une nouvelle page et de faire ce dont ils avaient envie depuis longtemps. A nous de valider la viabilité du projet et la motivation de l’outplacé.
Je pourrais vous citer le cas d’un organisateur d’une caisse de retraite qui a bénéficié à 50 ans d’un outplacement et qui est aujourd’hui ébéniste-brocanteur. C’est un exemple un peu extrême, tous les outplacements ne se concluent pas par une telle reconversion, mais tous requièrent de notre part une véritable implication.

Qu’est-ce que c’est un outplacement réussi ?

C’est que les personnes aient trouvé un poste dans un délai qui leur convient. Le délai est un élément psychologique fondamental : certains outplacés ont besoin de trouver très rapidement, d’autres prennent leur temps, se posent, font leur bilan, réfléchissent à leur avenir. Je m’adapte à la demande.
Rien ne me réjouit plus que d’être invité à déjeuner par un ancien outplacé qui vient de terminer sa période d’essai dans son nouvel emploi. C’est ça un outplacement réussi. C’est quand après coup les gens vous appellent. Quand on sent quelqu’un qui est heureux.

Comment choisir son cabinet d’outplacement ?

Nous sommes un certain nombre à avoir cette appellation. Il est vrai que tout le monde peut se baptiser  » cabinet d’outplacement « . Nous sommes regroupés au sein d’un petit syndicat, Syntec Conseil Evolution Professionnelle.
Parmi sa vingtaine de membres, vous trouvez de très gros cabinets qui comptent plus de 300 consultants. Ils ont souvent été rachetés par des partenaires extérieurs, telles des sociétés d’intérim qui veulent diversifier leur offre. A l’inverse, il y a des cabinets n’employant qu’une ou deux personnes.
Avec 8 consultants, nous sommes entre les deux. Nous avons pour caractéristique d’être une filiale d’un cabinet de chasseur de têtes (le groupe François Sanchez Consultants). Notre Directeur Général du groupe F.S.C. est président élu de Syntec recrutement mais nous sommes séparés physiquement de ce cabinet.

Cela présente-t-il un intérêt particulier pour les personnes dont vous vous occupez ?

Absolument. Les échanges que nous avons avec nos collègues de groupe François Sanchez Consultants sont vraiment intéressants et nous en faisons profiter les outplacés.
De plus, au sein même de notre équipe nous sommes parfaitement complémentaires avec des profils et des parcours professionnels très diversifiés. Nous ne sommes absolument pas clonés ! C’est ce qui nous permet de répondre parfaitement aux demandes. Par exemple, il y a quelques métiers pour lesquels je suis incompétent mais qui sera du ressort de l’un de mes collègues et inversement. Tout repose sur la connaissance de nos capacités d’utilité.
Quand on fait de mauvaises missions, on est très vite hors-circuit. Au final, la sanction est celle du client et c’est particulièrement sain comme système.

Vos clients passés sont donc vos meilleurs VRP ?

Oui mais pas seulement. Nous avons quatre types de prescripteurs. Les premiers sont les DRH, ensuite viennent les salariés qui ont entendu parler de nous par le bouche à oreille, puis les avocats, et enfin les anciens outplacés.

Une dernière question : quelles sont les qualités que doit posséder un outplaceur?

Le bon outplaceur connaît les ressources humaines, est un peu juriste, maîtrise le marché du travail, peut se transformer en commercial, est aussi un coach… C’est tout ça plus l’acquis de son propre parcours professionnel. Surtout, il doit avoir un réel intérêt pour son prochain.
Je me souviens que mon premier employeur (je n’étais pas encore outplaceur) m’a vigoureusement déclaré un jour  » Vous aimez les gens « . J’en étais très fier, quel compliment ! Quand on me demande aujourd’hui pourquoi je fais ce métier et si au bout de 10 ans je n’en suis pas lassé, je réponds non.
Ce serait lassant si on ne voyait dans nos missions que des postes, des fonctions. Mais, nos outplacés ne sont pas que des directeurs financiers, des contrôleurs de gestion… ce sont avant tout des individus. Chaque parcours est unique, chaque mission est pour moi une nouvelle rencontre. Il faut sans doute aussi être humaniste pour être un bon outplaceur.

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