Devant la lourdeur du dispositif de préemption, les contestations possibles, le choix à effectuer suite à une rétrocession et la responsabilité des communes, on peut penser que beaucoup n’institueront pas ce nouveau droit de préemption spécifique, surtout dans les villes moyennes et petites.
Le texte, bien que juridiquement déjà en vigueur au 30 décembre 2007, ne pourra pratiquement s’appliquer qu’à partir d’un certain délai qui sera celui de préparation des plans et rapports par le Maire, de demande d’avis des autorités consulaires, de décision définitive du conseil municipal et de sa publicité.
A notre avis, qui n’est pas partagé par un autre auteur (voir paragraphe 1 in fine) la parution à venir de l’arrêté fixant le cadre de l’offre préalable ne suspend pas l’application du décret puisque ce dernier définit parfaitement bien son contenu (objet, prix et conditions).
Néanmoins, pour avoir suivi certains travaux préparatoires du décret depuis août 2005, nous savons que certaines très grandes villes, en concertation avec les autorités consulaires, ont déjà préparé les documents (plans, rapports) et seront en mesure d’instaurer très rapidement ce nouveau droit de préemption.
Il n’en demeure pas moins que toute vente devra désormais, à notre avis, faire l’objet, du moins dans l‘attente de l’arrêté fixant le texte de la déclaration préalable :
– d’une interrogation sur l’existence ou non d’un droit de préemption, même sur les communes que l’on connaît bien car l’instauration du droit pourra se faire à tout moment,
– et, en cas d’existence du droit de préemption, d’une offre préalable du bien à la commune qui aura deux mois pour y répondre.
La sanction d’une vente passée sans offre préalable dans une commune et dans laquelle existerait un droit de préemption sera la nullité.
Le perdant de ce droit de préemption risque fort d’être le vendeur qui, en cas d’exercice du droit de préemption :
– amiable, devra attendre 5 mois (2 mois de réponse de la commune + 3 mois pour signer l’acte) pour que le prix soit payé + 3 mois de blocage des fonds pour répondre des oppositions, soit 8 mois à partir de la déclaration préalable,
– et judiciaire, risquera de voir contester le prix et les conditions devant les tribunaux, avec heureusement une possibilité de retrait de sa part.
1. CLAUSE PARTICULIÈRE DES COMPROMIS A COMPTER DU 1er JANVIER 2008 JUSQU’À LA PUBLICATION DE LA FORMULE DE DÉCLARATION PRÉALABLE
L’entrée en vigueur est controversée :
– la SEMAINE JURIDIQUE Notariale et Immobilière N° 2 du 11 janvier 2008, sous la signature de Monsieur Damien DUTRIEUX, estime que le dispositif ne prendra effet que lors de la publication de l’arrêté fixant la rédaction de l’offre préalable, position que prendront sans doute, sous leur seule responsabilité, les notaires qui sont les principaux lecteurs de cette revue,
– nous estimons que le décret du 26 décembre ne conditionnant pas expressément son entrée en vigueur à la parution dudit arrêté, qui ne fixera que le cadre formel de l’offre dont ont connait déjà le contenu (objet, prix et conditions de vente), la prudence recommande de considérer le droit de préemption comme existant déjà et risquant encore plus d’être instauré dans le laps de temps séparant le compromis de la vente.
Compte tenu de la durée des compromis, en moyenne entre un et trois mois, quelque fois plus quand il s’agit de tabac, de jeux ou de presse, il nous paraît donc prudent de prévoir dès maintenant, pendant la période transitoire d’attente du texte de déclaration :
– dans tous les compromis, une condition suspensive, telle que, par exemple, « Les présentes conventions sont soumises à la condition suspensive de non-exercice, par la commune dans laquelle se trouvent les droits cédés, du droit de préemption résultant des dispositions du décret (n°2007-1827) en date du 26 décembre 2007 portant application de l’article 58 de la loi du 2 août 2005 en faveur des PME »,
– et dès la signature, une lettre en recommandé avec accusé de réception du rédacteur de l’acte au Maire qui pourrait être la suivante : « Etant chargé de la réalisation de la cession de (désignation) sis dans votre commune au plus tard pour la date du (indiquer la date buttoir de réalisation prévue dans le compromis), je viens vous demander si votre commune a instauré le droit de préemption résultant des dispositions du décret (n°2007-1827) en date du 26 décembre 2007 portant application de l’article 58 de la loi du 2 août 2005 en faveur des PME pour que, dans l’affirmative, je procède à la déclaration préalable prévue par le décret précité. »
On peut en effet imaginer un compromis signé en janvier, alors que le droit de préemption n’est pas instauré et la vente réalisée en mars, alors qu’il sera instauré : en l’absence de notification de déclaration préalable, la vente pourrait être nulle.
Lorsque l’arrêté publiera le contenu de l’offre, le plus simple, pour gagner du temps, sera de l’envoyer rempli directement à la commune.
2. COMMUNICATION DU COMPROMIS
Pour que toutes les conditions soient bien opposables à la collectivité en cas d’exercice de son droit de préemption, il nous paraît prudent de joindre à la déclaration préalable, dès que la formule sera publiée, une copie intégrale du compromis et des annexes : le collectivité ne pourra alors que reprendre dans la cession toutes les clauses et conditions convenue avec l’acquéreur, ce qui sera une sécurité supplémentaire, notamment pour le paiement de la commission d’agence si elle est stipulée dans le compromis.
3. PRÉSERVATION DE LA COMMISSION D’AGENCE
Dans la déclaration préalable, il sera nécessaire, si un intermédiaire est intervenu en vertu d’un mandat de recherche de biens mettant sa commission à la charge de l’acquéreur, cela soit stipulé, comme pour les DIA immobilières, de manière à ce qu’elle soit opposable à la collectivité titulaire le droit de préemption.
A ce sujet, le texte précise bien que la collectivité pourra décider « d’acquérir aux prix et conditions indiqués dans la déclaration préalable (Art. R. 214-5.)», mais encore faudra-t’il bien notifier toutes les conditions.
4. CESSION DE DROITS SOCIAUX
Le texte mentionne exclusivement « l’aliénation à titre onéreux » et ne vise pas expressément les cessions de droits de la totalité d’une société qui serait uniquement propriétaire d’un fonds de commerce, d’artisanat, ou d’un droit au bail à céder.
Ces cessions de droits sociaux ne nous paraissent pas devoir être soumises au droit de préemption, sauf manœuvre frauduleuse prouvée devant le juge, ou précision administrative qui interviendrait ultérieurement après avoir établi un parallélisme avec le droit de préemption urbain pour « l’ensemble de droits sociaux qui donnent vocation à l’attribution en propriété ou en jouissance d’un immeuble ou d’une partie bâtie ou non bâti ».
5. APPORT EN SOCIÉTÉ
L’apport en société d’un fonds de commerce ou d’un droit au bail entraînant une mutation, donc une « aliénation à titre onéreux » aux termes de laquelle un apporteur reçoit en contrepartie, et à titre onéreux, des droits dans une société, il nous semble qu’un tel apport sera soumis au droit de préemption, comme pour les apports en société (y compris les apports partiels d’actifs) en matière de droit de préemption urbain pour les immeubles.