Que signifie le principe « à travail égal, salaire égal » ?

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Un employeur pourrait estimer que la seule contrainte existant dans une négociation salariale (à l’occasion d’une embauche ou d’une promotion par exemple) est la volonté du salarié. L’un propose tant, l’autre veut tant : ils se mettent d’accord entre eux. Ce serait logique puisqu’il n’y a que deux parties au contrat.
Or, tel n’est pas exactement le cas. L’employeur doit garder à l’esprit le principe « à travail égal, salaire égal ».
Nous avons tous, au moins une fois, déjà entendu cette formule. Mais que signifie-t-elle exactement ? A-t-elle une quelconque valeur juridique ?

Origine du principe : la non-discrimination entre les salariés

Le principe « à travail égal, salaire égal » trouve sa source dans le principe plus vaste de non-discrimination entre les salariés.

Ainsi, l’article L. 1132-1 du Code du travail prévoit l’interdiction d’une différence de salaire en raison de l’origine, du sexe, des mœurs, de l’orientation sexuelle, de l’âge, de la situation de famille ou de la grossesse, des caractéristiques génétiques, de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, des opinions politiques, des activités syndicales ou mutualistes, des convictions religieuses, de l’apparence physique, du nom de famille ou en raison de l’état de santé ou du handicap.

Portée juridique

La Cour de cassation a généralisé ce principe et considère que des salariés effectuant un même travail, ou un travail de valeur égale, et se trouvant dans une situation rigoureusement identique, doivent en principe recevoir une rémunération identique (arrêt Ponsolle, 29 octobre 1996).

Ce principe s’analyse au sein d’une même entreprise (Cour de cassation, 12 juillet 2006) et peut concerner des salariés travaillant dans des établissements différents (Cour de cassation, 21 janvier 2009). Cependant, il est sans application « lorsque des salariés appartiennent à des entreprises différentes, peu important que ces salariés soient soumis à une même convention collective » (Cour de cassation, 24 septembre 2008).

Sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse (article L. 3321-4 du Code du travail).

Néanmoins, ce principe de non-discrimination doit se combiner avec celui de libre fixation des salaires par l’employeur dont il constitue une limite. Il ne s’oppose pas à ce que l’employeur, dans l’exercice de son pouvoir de direction, détermine des rémunérations différentes pour tenir compte des compétences et des capacités de chaque salarié, de la nature des fonctions ou des conditions de leur exercice.

L’employeur peut donc attribuer une rémunération différente à des salariés effectuant le même travail, ou un travail de valeur égale, s’il justifie par des raisons objectives et matériellement vérifiables cette différence de salaire.

Concernant la charge de la preuve, il appartient au salarié de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, si celle-ci est contestée. Cependant, il incombe à l’employeur d’apporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence (Cour de cassation, 28 septembre 2004).


Application au sein de l’entreprise

Des salariés effectuant un même travail ne peuvent percevoir une rémunération différente que si cette différence est justifiée par des différences d’ancienneté, de qualification, de compétence, de responsabilité, de productivité…

Il est bien évident qu’un salarié avec 10 ans d’ancienneté pourra avoir un salaire supérieur à celui du nouvel embauché.

De même, le commercial qui a des résultats bien supérieurs aux autres pourra se voir récompenser d’une rémunération supérieure.

Enfin, le diplômé BAC+5 se verra fort logiquement attribuer des appointements supérieurs à un non diplômé.

La jurisprudence a également considéré comme objectives et matériellement vérifiables des différences de salaire pour des salariés exécutant le même travail ou un travail de valeur égale dans les cas suivants :

  • un salarié, engagé postérieurement à la mise en oeuvre d’un accord collectif de réduction du temps de travail, ne se trouve pas dans une situation identique à celle des salariés présents dans l’entreprise à la date de conclusion dudit accord et ayant subi une diminution de leur salaire de base consécutive à la réduction de la durée du travail, diminution que l’attribution de l’indemnité différentielle a pour objet de compenser (Cour de Cassation, 1er décembre 2005) ;
  • le statut d’intermittent du spectacle d’une salariée, ainsi que son ancienneté non prise en compte par ailleurs, peuvent justifier à son seul profit la différence de rémunération (Cour de cassation, 28 avril 2006) ;
  • lorsque les promotions internes sont, en application d’un accord d’entreprise, soumises à une procédure de reconnaissance des compétences par un jury indépendant, le salarié, qui n’a pas été admis par le jury en 2000 et qui n’a ensuite plus fait acte de candidature, ne peut se comparer avec des salariés ayant été admis par le même jury (Cour de cassation, 17 octobre 2006) ;
  • un salarié, engagé postérieurement à la mise en oeuvre d’un accord collectif organisant le passage d’une rémunération au pourcentage à une rémunération au fixe, ne se trouve pas dans une situation identique à celle des salariés présents dans l’entreprise à la date de conclusion dudit accord et subissant, du fait de la modification de la structure de leur rémunération, une diminution de leur salaire de base que l’attribution d’une indemnité différentielle a pour objet de compenser (Cour de cassation, 31 octobre 2006).

Des avantages individuels peuvent être attribués aux salariés en raison de leur situation de famille, tels que des sommes versées en complément du salaire au titre des enfants à charge (Cour de cassation, 17 avril 2008). A cet égard, il a été jugé que « le principe « à travail égal, salaire égal » ne fait pas obstacle à l’instauration au profit de salariés d’un avantage déterminé par un critère indépendant du travail fourni, notamment par la situation de famille » (Conseil d’Etat, 8 juillet 1998).

A l’inverse, ne constituent pas des éléments objectifs susceptibles de justifier une différence de traitement :

  • une différence de statut juridique entre des salariés en CDI et des salariés « occassionnels » (Cour de cassation, 15 mai 2007) ;
  • la seule différence de diplôme, alors qu’ils sont d’un niveau équivalent (Cour de cassation, 16 décembre 2008).

Les situations sont donc multiples et doivent être évaluées au cas par cas.

Conclusion

Si l’employeur garde la possibilité d’individualiser les rémunérations, il devra néanmoins faire attention à ce que les différences de salaire s’appuient sur des éléments objectifs et vérifiables par le juge. Il en va de même pour les versements de primes en fin d’année (Cour de cassation, 30 avril 2009).

A défaut, le salarié sera fondé à solliciter un rappel de salaire par comparaison avec ses collègues effectuant le même travail ou un travail de valeur égale, des intérêts de retard et, éventuellement, des dommages et intérêts.

Employeurs, gardez-vous bien d’augmenter un salarié que vous aimez bien, si cette préférence n’est pas justifiée par des éléments objectifs et vérifiables.

L’addition pourrait être salée !

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